Au fait, l'énergie, c'est quoi?

Le lundi 4 mai 2009, de 08h45 à 13h15, Hôtel Alpha-Palmier, rue du Petit-Chêne 34, Lausanne

Le désarroi de l'homme politique et du citoyen face à la controverse énergétique

Serge Beck, président de la Fédération romande pour l’énergie (FRE).

« Nous pourrions économiser la production d’une première grande centrale électrique en ne laissant pas nos ordinateurs en veille, d’une deuxième centrale en changeant d’ampoules, d’une troisième en achetant exclusivement des appareils ménagers de la catégorie A…

« L’isolation de l’ensemble des bâtiments du parc immobilier pourrait être assainie en dix ans, l’interdiction des tous terrains permettrait au secteur de la mobilité d’atteindre les objectifs du protocole de Kyoto, il suffirait de couvrir la moitié des toitures des maisons de notre pays en capteurs solaires pour couvrir nos besoins en électricité… »

L’homme de la rue, comme l’élu ou le journaliste, est régulièrement confronté à des affirmations de ce type lorsque le débat sur l’énergie est abordé. Comment, face à l’aspect caricatural ou sensationnel de telles affirmations, le citoyen et le parlementaire peuvent-ils s’informer et choisir les orientations de la politique énergétique, ou modifier leur comportement au quotidien?

La Fédération romande pour l’énergie, plateforme réunissant producteurs, distributeurs et consommateurs d’énergie, contribue par son site Internet, ses publications, ses conférences et l’organisation de visites d’installations énergétiques à l’information des élus et du public. Sans a priori, sans tabou, sans dogme, notre fédération et ses sections cantonales apportent des contributions réalistes et éclairantes à la formation de l’opinion et à la vulgarisation des enjeux du débat énergétique. C’est dans cet esprit que nous mobilisons des scientifiques hautement qualifiés et reconnus pour apporter des contributions constructives et significatives à la formation de l’opinion.

Le débat n’est pas facile, comme le démontrent les difficultés que nous avons rencontrées dans l’organisation du présent séminaire. En outre, l’inertie des pouvoirs publics dans la dernière décennie quant aux choix stratégiques en matière d’approvisionnement est sans doute imputable à cette complexité. Comment réduire notre impact sur l’environnement sans nuire au développement socio-économique du pays, et sans empêcher les citoyens des Etats les moins favorisés de participer au développement?

Cette question mérite une réponse sans préjugé et c’est dans ce sens que s’inscrit la politique des quatre piliers du Conseil fédéral: efficacité énergétique, développement des sources renouvelables, renouvellement des grandes centrales, contrats d’approvisionnement. Notre fédération soutient pleinement cette stratégie, et nos publications « Quelles énergies pour demain ? » et « L’impérieuse nécessité de nouvelles grandes centrales électriques » contribuent positivement au débat.

Les choix essentiels en matière de politique énergétique auxquels seront confrontés les élus et les citoyens nécessitent un débat large et ouvert et sans obscurantisme. Un débat qui doit permettre de consolider nos ambitions en termes de développement des sources renouvelables et d’efficacité énergétique, mais sans compromettre la sécurité d’approvisionnement globale

Et aussi sans oublier, par souci de réalisme, que pendant que nous débattons, la Chine met en service chaque semaine au moins une nouvelle grande centrale électrique à charbon…


A ne pas confondre: énergie et électricité
Jean-François Dupont, Dr ès sciences, membre de la Commission énergie de l’Académie suisse des sciences techniques

Les définitions ne sont pas toujours faciles. Il y a d’abord les diverses formes de l’énergie: la force, le travail mécanique, la chaleur, la lumière. Ça se complique avec les notions d’énergie chimique, électrique, électromagnétique ou nucléaire. Ensuite, il y a les usages ou applications de l’énergie, notions assez claires: la mobilité, le chauffage, les processus industriels, l’électricité.

Il y a aussi les vecteurs énergétiques comme l’électricité, l’hydrogène H2 ou la poudre d’aluminium. Un vecteur c’est un support de l’énergie, ce n’est pas une source mais un relai entre diverses sources d’énergie et diverses applications.

Enfin, il y a les sources d’énergie. les fossiles, les renouvelables et le nucléaire. L’électricité est un élément de l’énergie: c’est à la fois une forme, un vecteur est un usage. Notre civilisation a besoin de deux vecteurs pour fonctionner: l’électricité, et un 2e vecteur qui permette l’autonomie vis-à-vis du réseau électrique. Ce 2e vecteur est assuré en grande partie aujourd’hui par le pétrole.

Un slogan d’EDF disait: «l’électricité peut tout faire, tout peut la faire». C’est presque vrai, on peut presque tout faire: travail mécanique, chaleur, lumière. Il y a cependant un grand secteur de consommation d’énergie – et d’émissions de CO2 – où l’électricité est à la peine, c’est la mobilité. L’électricité va bien pour les trains, les trolleybus, les trams et les ascenseurs, moins pour les voitures privées.

A l’inverse, il y a des applications qui ne sont réalisables qu’avec l’électricité, typiquement les télécommunications ou les ordinateurs. L’électricité permet de réaliser des gains d’efficacité énergétique importants dans des secteurs clés,  comme le chauffage et la mobilité. Chauffage: grâce à la pompe à chaleur électrique, il est possible, à partir de 1 kilowattheure tiré du réseau, d’en extraire 3 à 4 sous forme de chaleur ambiante à basse température. Mobilité: un moteur électrique consomme 2 à 3 fois moins d’énergie qu’un moteur thermique.

On dit de l’électricité qu’elle est une énergie noble. Cela concerne la relation entre énergie mécanique et énergie thermique. Il y a une équivalence entre ces deux formes d’énergie mais pas une vraie symétrie, dans le sens qu’une énergie mécanique peut être transformée complètement en énergie thermique, mais pas l’inverse. La fraction entre énergie électrique et énergie thermique s’appelle rendement thermodynamique, ou rendement de Carnot.

En Suisse la part de l’électricité représente de 23% de l’ensemble de l’énergie. Ce chiffre est trompeur. Il sous-estime la part réelle de l’électricité. La cause en est que dans le cas de l’électricité on prend en compte les kWh consommés, mais pas l’énergie qu’il a fallu en amont des centrales pour fournir les kWh consommables.

Il y a une relation étroite entre niveau de vie et énergie. Aucun pays n’a pu découpler complètement énergie et niveau de vie.

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Une réaction en chaîne et son contrôle

Jean-Marc Cavedon, directeur du département Energie nucléaire et sûreté, Institut Paul-Scherrer

Au fait, d'où vient l'énergie nucléaire? Après quelques mots sur son origine qui nous ramènent aux confins des étoiles et des planètes, nous survolons les différentes façons de tirer parti de cette énergie extrêmement concentrée pour produire de l'électricité. Nous visitons ensuite un réacteur nucléaire actuel et ses composants principaux, et discutons pour terminer les avantages et inconvénients de ce qui est la source de 40% de l'électricité produite en Suisse.

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Qu'est-ce qu'un gaz à effet de serre?

Professeur Eric Verrecchia, directeur du Laboratoire de biogéosciences à l’Institut
de géologie et paléontologie de l’Université de Lausanne

L’atmosphère sèche se compose pour l’essentiel d’azote (78,08% de volume) et d’oxygène (20,95%). Ces deux gaz, constitués des atomes N2 et O2, ne peuvent absorber ni les infrarouges ni le rayonnement visible du Soleil. Par conséquent, ils ne provoquent pas de réchauffement de l’air au passage de ces deux familles de rayons. Parmi les 0,97% de volume restant, certains gaz, comme l’argon (Ar), restent inertes aux mêmes rayonnements.

En revanche, d’autres de ces gaz «minoritaires» s’avèrent très sensibles au rayonnement infrarouge, tel le dioxyde de carbone (CO2), la vapeur d’eau (H2O), l’oxyde nitreux (N2O), l’ozone (O3) ou le méthane (CH4). Ils ont la capacité d’absorber l’infrarouge et de conserver la chaleur ainsi produite dans l’atmosphère.

Tels sont les gaz à effet de serre. Ils piègent la chaleur émise par la Terre réchauffée par le Soleil. Pour bien comprendre ce phénomène, il est nécessaire de circonscrire la nature du spectre électromagnétique du rayonnement solaire, les fenêtres de l’atmosphère terrestre et le bilan énergétique de la planète.

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Les impacts comparés des différentes sources de production d'énergie

Peter Hardegger, responsable des finances et du transfert de technologie au département d’Energie et sûreté nucléaire de l’Institut Paul Scherrer (PSI)

Membre du Centre Suisse des Inventaires Ecologiques – Centre ecoinvent, l’Institut Paul Scherrer s’occupe depuis plus de 15 ans de l’analyse intégrale de systèmes de production d’énergie. Il a réalisé un inventaire de donnés écologiques qui fait aujourd’hui référence, notamment par l’étendue et la précision de sa base de données. Toutes les technologies de production d’énergie sont analysées avec la même méthodologie et avec la même approche intégrale.

Pour évaluer la durabilité des différentes technologies, les indicateurs écologiques, économiques et sociaux sont quantifiés et comparés à l’aide d’analyses multicritères (MCDA). Les technologies dont on évalue le bilan écologique et les coûts externes sont présentées de manière détaillée sur leur cycle de vie. Aucune technologie ne domine l’ensemble des critères. Si l’on privilégie les aspects économiques, cela défavorise les sources renouvelables; mettre le poids sur l’environnement désavantage les agents fossiles; donner la priorité aux aspects politiques affecte le nucléaire. Un compromis entre les composantes écologiques, économiques et sociales s’avère par conséquent nécessaire. Un mix technologique équilibré reposant sur des données objectives, compte tenu de facteurs sociaux, satisfait aux exigences de durabilité.

Le mix actuel de la Suisse basé sur l’hydraulique et le nucléaire est favorable sur les plans économique et écologique (très faibles émissions de gaz à effet de serre). Les objectifs de réduction de ces émissions, le remplacement à terme des anciennes centrales nucléaires par des nouvelles et le développement des technologies renouvelables constituent le défi actuel de la production d’énergie en Suisse.

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Evaluation d'une contribution future du nouveau renouvelableJacques-André Hertig est Dr ès sciences, ancien chercheur et enseignant émérite à l’EPFL. Il est chargé de cours à l’Université de Lausanne et membre du Conseil scientifique de la FRE.

La présente communication se base essentiellement sur les Perspectives énergétiques pour 2035, publiées par l’Office fédéral de l’énergie en janvier 2007. Elle examine notamment la « Variantes E » de contribution des énergies renouvelables au comblement de la pénurie d'électricité à laquelle on s’attend dès 2018. Selon cette variante, un peu moins de 10% de la consommation actuelle d'électricité en Suisse, soit une production de 5400 GWh/an de courant supplémentaire, devrait être assurée d’ici à 2030 par le nouveau renouvelable. Ceci pourrait être atteint grâce à la rétribution de l'injection d’électricité à prix coûtant récemment décidée.

La Confédération a proposé d’appeler "nouveaux" agents renouvelables l'énergie solaire, le bois, la biomasse, l'énergie éolienne, les mini-centrales hydrauliques, la géothermie et la chaleur ambiante, auxquels on peut ajouter l’incinération des ordures. Ces sources indigènes pourraient jouer un rôle mesuré dans l'approvisionnement énergétique du pays, notamment dans le domaine de la production d'électricité et de chaleur.

Le développement des grands ouvrages hydroélectriques, qui jouent un rôle important dans tous les scénarios, est limité par des contraintes environnementales. Le solaire photovoltaïque est en plein essor. Les grandes toitures représentent un potentiel de captage important. Son développement se heurte toutefois à des questions de coût, de rendement énergétique et de protection des sites.

Sachant que l’énergie éolienne a couvert les besoins des activités artisanales et industrielles de nombreux pays, les transports maritimes, la survie des Pays Bas par le pompage de l’eau sur les terres situées en dessous du niveau de la mer, et bien d’autres contributions, il paraît a priori surprenant que la contribution potentielle du vent à l’approvisionnement de la Suisse reste relativement faible. Cela tient essentiellement à l’exiguïté du territoire national, aux conditions de vent et aux conflits potentiels avec les exigences en matière de protection des sites.

Il ressort de l’examen point par point du potentiel des nouvelles énergies renouvelable que les valeurs données par la Confédération reposent sur des hypothèses optimistes, dont la réalisation nécessitera un immense effort politique et financier. La Suisse a néanmoins la capacité de réaliser cet objectif de 5400 GWh, mais peut-être l’échéance 2030 est-elle trop optimiste et que la part respective des différentes sources dans ce panier sera modifiée pour des raisons techniques, juridiques ou économiques.

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Les échéances de la politique énergétique future

Lukas Gutzwiller, Dr ès sciences naturelles de l’EPFL, spécialiste en politique énergétique à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).

En février 2007, le Conseil fédéral avait décidé de fonder sa politique énergétique sur quatre piliers: l'efficacité énergétique, la promotion des énergies renouvelables, le remplacement et la construction de centrales électriques et la politique énergétique internationale de la Suisse. Le DETEC a concrétisé cette politique en développant ses plans d'action pour l'efficacité énergétique et la promotion des énergies renouvelables. Le département a étudié la possibilité d'accélérer et simplifier les procédures d'autorisation pour les infrastructures énergétiques.

Le Conseil fédéral a adopté les plans d'action du DETEC pour l'augmentation de l'efficacité énergétique et la promotion des sources renouvelables. Conformément aux objectifs climatiques, les plans d'action visent à atteindre jusqu'en 2020 une réduction des agents fossiles de 20%, une augmentation de la part des énergies renouvelables de 50% et une hausse maximale de la consommation d'électricité de 5% entre 2010 et 2020.

Les plans d'action contribuent à stabiliser la consommation d'électricité après 2020. Ces plans sont constitués d'un ensemble de mesures pragmatiques qui se complètent et se renforcent: mesures incitatives (par ex. un système de bonus-malus dans l'imposition des véhicules automobiles), mesures de soutien direct (par ex. un programme national d'assainissement des bâtiments), prescriptions et minima (par ex. l'interdiction des ampoules à incandescence à partir de 2012). Les plans d'action contiennent des mesures relevant de la compétence de la Confédération, du Parlement ou des cantons. La mise en œuvre des mesures ne relevant pas de la compétence directe de la Confédération se fera en pleine collaboration avec les acteurs concernés.

Le Conseil fédéral a décidé de poursuivre le développement des travaux visant le renforcement de la politique énergétique extérieure, en particulier de poursuivre les négociations avec l'UE sur le dossier de l'électricité, compte tenu des exigences liées à une éventuelle extension ultérieure à un accord sur l'énergie. La délégation suisse doit évaluer comment, dans le cadre des négociations, la sécurité de l’approvisionnement du pays peut être améliorée au moyen de lignes de transport et de centrales électriques judicieusement installées à l’étranger.

Le Conseil fédéral a adopté, le 29 octobre 2008, un message relatif à la modification de la loi sur le CO2 (exemption de la taxe pour les centrales thermiques à combustibles fossiles). Selon cette modification, les centrales à cycles combinés alimentées au gaz devront compenser entièrement les émissions de CO2 qu’elles génèrent, une moitié tout au plus pouvant être couverte par des certificats étrangers.

Le Conseil fédéral souhaite conserver le système d’échange de quotas d’émission selon le principe du «cap and trade» au-delà de 2012 et l’harmoniser avec celui de l’UE (EU ETS). La révision du système européen ETS pour 2013-2020 prévoit une forte augmentation des ventes aux enchères dès 2013. A ce jour, 90% des quotas d’émissions sont accordés gratuitement aux installations industrielles. Cependant, la proposition prévoit une augmentation considérable des ventes aux enchères dès 2013. La vente aux enchères totale devrait être de rigueur dès 2013 pour le secteur de l’électricité.

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