Entre les discours et les faits, le fossé ne cesse de se creuser. A de rares exceptions près, on s’éloigne partout dans le monde des objectifs de Kyoto en matière de réduction des émissions de CO2. Et la tendance, à vue humaine, paraît irréversible.
C'est un paradoxe! Plus on considère les changements climatiques comme un sujet de préoccupation, plus la situation s'aggrave. Durant la dernière décennie, les rejets de C02 du secteur énergétique ont progressé de 7%. Et le mouvement va s’accélérer. Selon les dernières estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions «humaines» de gaz carbonique passeront de 7 milliards de tonnes en 2006, à 10 milliards de tonnes en 2029 et à 14 milliards de tonnes par année vers 2050.
Quelles sont les raisons d'un tel enchaînement? La croissance de la demande d'énergie, tout d'abord. La consommation a progressé de 11% au cours des dix dernières années, le Moyen-Orient et l'Asie se taillant des parts du lion avec, respectivement, des hausses de 46% et 32%. Ces chiffres sont encore plus impressionnants dans le domaine de l’électricité. La Chine envisage de construire près de six cents centrales à charbon d'ici 2012, l’Inde plus de 250 ouvrages à combustible fossile et l’Allemagne une trentaine de grandes centrales à charbon et à gaz.
Globalement, malgré les discours lénifiants, la tendance n’est pas prête de s’inverser. Pour une raison simple: à l’échelle mondiale, le renouvellement du parc de centrales électriques repose pour 80% sur les combustibles fossiles. Il se met en service chaque année près de 13’000 mégawatts de puissance électrique dans des ouvrages à gaz, charbon ou mazout. La contribution des autres sources, y compris l’éolien dont on parle tant, traîne loin derrière.
Pourtant leader de la croisade mondiale contre le réchauffement climatique, la grande majorité des pays industriels occidentaux reste elle aussi très en deçà des objectifs de Kyoto. Alors qu’elles auraient dû les réduire de près de 10% pour se conformer à ces objectifs, tant l’Union européenne que la Suisse rejettent aujourd’hui toujours autant de gaz à effet de serre qu’en 1990, et cela bien que les statistiques ignorent la contribution des transports aériens, qui ne cesse de croître d’année en année.
Faut-il désespérer? Il n’est pas exclu que la dynamique qui s’est engagée en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie et de substitution vers les sources non fossiles apporte une contribution positive au cours des prochaines années, en Europe essentiellement. Mais ces progrès éventuels pourraient ne pas faire le poids en regard des effets de la croissance démographique et économique d’une part, et de l’abandon du nucléaire par l’Allemagne et l’Espagne d’autre part.
Ailleurs dans le monde, dans les Amériques et en Asie surtout, la consommation des agents fossiles, et les rejets subséquents de gaz carbonique, resteront fortement orientés à la hausse. Inutile de se bercer d’illusion! Nous devons nous préparer à cohabiter encore longtemps avec le CO2
|