Les fausses promesses des ampoules froides

«Voilà la solution!» s’était exclamée la présidente des Verts en brandissant une lampe à faible consommation lors d’un débat télévisé consacré à l’énergie nucléaire. De son côté, l’Office fédéral de l’énergie renchérissait en affirmant que le remplacement des traditionnelles ampoules à incandescence par des lampes «froides» permettrait d’économiser la production de la centrale nucléaire de Gösgen.

Il aurait été judicieux, avant d’être aussi affirmatifs, que les collaborateurs de l’Ofen prennent leur calculette. Car que disent les chiffres?

70% de notre électricité sont destinés à l’économie. Ils font tourner les usines, entraînent les chemins de fer et alimentent les ordinateurs. En matière d’éclairage, le passage du chaud au froid est pratiquement achevé dans les entreprises. Il n’y subsiste qu’une petite part d’ampoules à incandescence, qui n’est d’ailleurs que peu sollicitée puisque les bureaux ne sont utilisés que de jour.

C’est par conséquent l’habitat privé qui est visé par un éventuel remplacement global des ampoules traditionnelles. L’éclairage des logements ne représente que 3% à 4% de la quantité globale d’électricité consommée dans le pays. Autrement dit, en remplaçant les ampoules à incandescence par des modèles à faible consommation, on réalisera une économie d’électricité annuelle de 1,8% à 2,4% seulement. Or il se trouve que la centrale de Gösgen produit 16% des besoins de la Suisse en électricité. Cherchez l’erreur!

Cette substitution lumineuse aurait un autre effet auquel personne ne semble avoir songé. Les ampoules à incandescence transformant la plus grande partie de l’électricité consommée en chaleur, elles augmentent la température des pièces de séjour de 1 à 2 degrés dès la nuit tombée selon le nombre de lampes utilisées. Et la perte de cet appoint de chaleur, clairement perceptible pour les organismes humains, conduira les occupants des lieux à pousser leur chauffage pendant la saison d’hiver. Avec pour résultat une augmentation effective des émissions de CO2.

A quoi s’ajoute le fait que la fabrication des lampes se déroule dans des pays où l’électricité provient pour une part importante de combustibles fossiles. De sorte que l’élévation des rythmes de fabrication des lampes de remplacement se traduira elle aussi par des rejets supplémentaires de gaz à effet de serre.

Il conviendrait aussi de procéder préalablement à une évaluation des effets de cette substitution en matière de rendement énergétique. Car les lampes froides sont des objets de haute technologie qui comprennent des métaux et autres matériaux rares, dont la fabrication exige de grandes quantités d’électricité. Il n’est pas exclu que ces lampes soient usées avant d’avoir restitué sous forme de lumière l’électricité investie dans leur fabrication.

Dernier aspect, et non des moindres pour tous ceux qui se préoccupent d’écologie: comment va-t-on gérer l’élimination dans un laps de temps réduit de 40 à 50 millions d’ampoules à incandescence, faites de verre, de gaz et autres matériaux toxiques, sans dommage pour l’environnement? Il subsiste à ce propos de nombreuses questions en suspens.

Tout effort d’économie est le bienvenu. On sera néanmoins bien avisé de procéder à un véritable bilan énergétique et écologique de l’élimination des lampes à incandescence avant de prendre des décisions contraignantes et irréversibles.

Auteur: Jean-Pierre Bommer / article paru dans le quotidien 24 HEURES du 25 avril 2007

Ampoule à faible consommation

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