Bulletin d’actualité énergétique No 63 – le 6 avril 2009
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Lettre ouverte: atteinte à la liberté d'expression

Peut-on encore, dans ce pays, s’exprimer et informer librement sur les questions énergétiques et environnementales? Pas sûr, à en juger par les pressions qui ont obligé la Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO) à se retirer de l’organisation d’une journée d’information destinée aux élus. Le président de la Fédération romande pour l’énergie (FRE) invite les gouvernementaux cantonaux à prendre position sur cette campagne d’intimidation. Voici le contenu de sa lettre ouverte.

«Afin de clarifier des notions souvent mal comprises et sources de confusion, notre fédération et la HES-SO ont mis sur pied une matinée d’information générale à l’intention des élus de Suisse romande qui se déroulera le 4 mai prochain. Comme vous le constaterez à la lecture du programme ci-joint, ce séminaire a pour but de ramener de la science et de l’objectivité dans le débat énergétique, en dehors de tout esprit partisan.

«Cette collaboration avec la HES-SO s’explique par nos excellentes relations, qui tiennent également au fait que le Conseil scientifique de la FRE a été présidé par le professeur Marcel Maurer, doyen à la HES valaisanne jusqu’à sa récente élection à la présidence de la ville de Sion.

«Dès l’annonce de cette manifestation, la direction de la HES-SO a fait l’objet de pressions de plus en plus fortes et directes de la part de milieux écologistes. Nous avons assisté à une véritable campagne d’intimidation qui, sur le plan politique, a culminé avec le dépôt d’une interpellation au Grand Conseil vaudois et par la menace d’un conseiller d’Etat de tutelle de la HES-SO de prendre position dans les médias pour se distancer de la participation de la Haute Ecole à cette journée. Face à une telle pression, et compte tenu de son intégration dans les structures cantonales, la direction de la HES-SO n’avait pas d’autre choix que de se retirer de cette journée d’information, qui sera néanmoins maintenue conformément au programme ci-joint.

«Cette campagne s’inscrit dans les efforts de certains milieux pour isoler et diaboliser tout individu ou organisation qui défend le recours à l’énergie nucléaire. A ce titre, la FRE est de longue date dans le collimateur des partis et associations écologistes. On veut nous faire passer pour des extrémistes de l’atome et des adversaires des sources renouvelables.

«Or notre fédération s’engage de longue date en faveur d’un recours mesuré à toutes les formes d’énergie disponibles, conformément à leurs potentiels respectifs et complémentaires. Partisans d’une large diversification, nous ne sommes pas des monomaniaques de l’atome, comme en témoignent les différentes publications éditées par notre fédération, et particulièrement la brochure «Quelles énergies pour demain?».

«Dans le domaine des énergies renouvelables, nous soutenons les efforts de recherche et de développement, ainsi que les programmes promotionnels conduits dans notre pays. Mais c’est également notre responsabilité d’en signaler les limites en termes de capacité d’approvisionnement, de coûts et d’impacts écologiques. Affirmer que le vent et le solaire, dans un pays industriel comme la Suisse, pourront se substituer aux centrales nucléaires actuelles et futures relève de la désinformation caractérisée. Ils constituent en revanche des sources énergétiques complémentaires qui méritent d’être pleinement prises en considération et développées dans la perspective d’une production d’énergie durable et de proximité. C’est d’ailleurs avec cette conviction que le soussigné assume un mandat professionnel dans le cadre de l’entreprise sol-E Suisse, consacrée aux énergies renouvelables.

«Indépendamment de la question énergétique, nous sommes très préoccupés par la campagne d’intimidation subie par la HES-SO. Face à cette situation, nous nous permettons d’interpeller votre  Conseil pour qu’il préserve la liberté d’expression, la liberté académique des institutions publiques d’enseignement et de recherche, ainsi que le débat démocratique.

«Votre Gouvernement entend-il, le cas échéant, se distancer de cette campagne et affirmer la nécessité d’accepter la pluralité des opinions dans le domaine de l’énergie et l’environnement?»

(Signé: Serge Beck, président de la FRE).


Solaire, éolien: la Chine monte en puissance

Qu'il s'agisse de production d'éoliennes, de modules solaires, voire de batteries pour voitures électriques, la Chine s’affirme désormais comme un leader mondial. Elle devrait profiter au premier chef des plans de relance «verts» aux Etats-Unis, en Europe et au Japon.

Côté éolien, les fabricants locaux et les filiales chinoises de groupes occidentaux de composants représentaient plus de 56% des capacités mondiales au début de 2008, selon le Global Wind Energy Council (GWEC), contre 41% en 2006. Et leur part de marché est appelée à poursuivre sa progression, en passant de 8 gigawatts-crête aujourd’hui à 12 GWc en 2010.

La Chine comptait au début de 2008 quarante gros producteurs de composants, comme Goldwind et Sinovel Wind, les deux plus grands, mais aussi Dongfang, Windey ou Sewind. Le marché mondial de l’éolien pèse 8,6 milliards de dollars par an, dont Sinovel serait désormais le numéro un, alors qu'il n'était que dixième en 2007, selon son partenaire américain AMSC.

Ce dynamisme est favorisé par la décision des plus grandes entreprises mondiales de développer leur production industrielle sur le sol chinois, telles General Electric (GE), mais aussi l’Espagnols Gamesa et la Danoise Vestas, qui viennent de remporter de gros contrats en Chine. GE a annoncé qu'il allait doubler ses livraisons d'éoliennes en Chine en 2009, à 320 unités, contre 159 en 2008. Et il compte encore les doubler à 600 en 2010, a indiqué au Shanghai Daily Steve Fludder, un responsable du groupe.

Dans le domaine des rotors, le chinois China High Speed Transmission Equipment Group a conquis 90% du marché intérieur depuis 2004. Il est l'un des principaux fournisseurs de GE, qui a pris 3,61% de son capital. De son côté, Gamesa a remporté, fin décembre, une commande de 295 MWc d'éoliennes de la compagnie Longyuan Electric Power Group Corporation, à savoir 347 unités de Gamesa G5X de 850 kWc, fabriquées dans sa filiale chinoise. Le mois dernier, le leader mondial des éoliennes, la Danoise Vestas, a décidé d'accroître massivement sa production en Chine en investissant plus de 350 millions de dollars sur son site de Tianjin.

Quant à l’énergie solaire, la Chine est déjà le numéro un. Elle est devenue le premier fournisseur mondial de modules photovoltaïques dès 2007 avec une production de 1,18 gigawatt-crête. Selon la China Solar Association, l'essentiel de cette production est concentré dans la province du Jiangsu avec 1 GWc de capacité, soit un quart du total mondial.

Des milliers d'entreprises se sont lancées sur ce créneau. Les groupes américains produisent de plus en plus en Asie, et notamment en Chine. Le leader, First Solar, a augmenté sa production en Malaisie. Il y exploite un site industriel dix fois plus important que sa fabrique américaine de l'Ohio. Son rival Evergreen Solar envisage de délocaliser toute sa production en Asie, alors que BP Solar vient de renoncer à installer une usine aux Etats-Unis à cause de la concurrence de fournisseurs chinois. Le Japonais Kyocera annonce sa volonté de quadrupler ses capacités solaires en Chine, en faisant passer sa production à 240 mégawatts-crête par an en 2011 dans sa filiale de Tianjin, où il investira près de 40 millions de dollars.

Enfin, la Chine entend profiter du nouveau marché des voitures électriques pour jouer à égalité avec les constructeurs occidentaux historiques. A terme, ses constructeurs visent le leadership mondial, tant sur leur propre marché, qui s'annonce gigantesque, qu'à l'international. Ils tablent sur une production annuelle de 60’000 véhicules alternatifs en 2012. Aux Etats-Unis, les rumeurs vont bon train, évoquant même la vente par Wal-Mart de voitures électriques chinoises très bon marché.

Rédaction: Jean-Pierre Bommer
Sources: FRE, Enerzine, Le Monde, China Today

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Propos des uns et des autres

«Je suis moi-même écologiste et j’implore mes amis engagés dans ces mouvements d’abandonner leur opposition butée à l’énergie nucléaire… »

James Lovelock, créateur de l’hypothèse Gaïa, dans le quotidien The Independent.

*

«La question nucléaire va au-delà du seul aspect énergétique ou climatique. Elle est liée aux valeurs de cette société globale que nous essayons de construire, et à l’idée du progrès en tant que tel… ».

Gordon Brown, Premier ministre britannique dans un discours prononcé le 17 mars 2009