Lettre ouverte aux parlementaires fédéraux
Préambule
L'énergie nucléaire assure 40% de l'électricité consommée en Suisse. Ce seul chiffre illustre la nécessité de s'intéresser au sort de cette source d'énergie, qui prend par ailleurs une importance particulière dans le cadre du développement durable. Une loi efficace et moderne doit favoriser la maîtrise scientifique et l'encadrement politique de l'énergie nucléaire en Suisse, tout en laissant la porte ouverte à son développement ultérieur pour autant que, le moment venu, la nécessité s'en fasse sentir. La Fédération romande pour l'énergie (FRE) invite le Parlement à toiletter le projet de loi du Conseil fédéral conformément à cette double exigence.
Marge de manœuvre
La Suisse doit sauvegarder un minimum d'indépendance, comme elle le fait pour l'agriculture, dans le domaine de l'électricité également. Il s'agit d'être en mesure de surmonter une éventuelle crise internationale ou, simplement, de préserver une marge de manœuvre dans les relations avec nos partenaires européens. L'énergie électrique participe à la sauvegarde d'une activité industrielle et technologique de pointe, et à celle des places de travail.
La nouvelle loi sur l'énergie nucléaire devra prendre en compte ces données fondamentales. Il lui reviendra également de rendre justice au rôle essentiel de l'atome en tant que second pilier, après l'hydraulique, d'un approvisionnement équilibré, durable et libre de toute forme de pollution de l'air. A ce titre, le nucléaire prend une importance considérable dans le cadre des engagements de la Suisse en faveur de la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre.
La nécessité du retraitement
Or le projet de loi du Conseil fédéral souffre à cet égard d'un défaut majeur. En interdisant le retraitement du combustible usé, il va à fin contraire. Dès lors qu'une tonne de combustible nucléaire permet de produire autant d'électricité que 100 000 tonnes de mazout ou 150 000 tonnes de charbon, on mesure tout l'intérêt que présente l'énergie nucléaire en termes de développement durable. Or le retraitement permet de doubler la quantité de courant que l'on peut tirer d'une même quantité d'uranium.
Cette interdiction est une concession politique fâcheuse à l'endroit des milieux antinucléaires. Partout en Europe, ces derniers s'efforcent de rendre plus difficile toute solution de gestion des déchets de haute activité, en combattant le retraitement qui, pourtant, permet de diviser par trois le volume des déchets à évacuer.
Une analyse du contexte économique plaide également en faveur du retraitement, qui jouerait un rôle central en cas de crise sur le marché des matières premières nucléaires. La FRE invite donc le Parlement à bien mesurer les risques d'une telle mesure en termes de protection de l'environnement et de développement durable. L'interdiction du retraitement n'a pas sa place dans la future loi sur l'énergie atomique.
La solution du Wellenberg
La future loi devrait également avoir pour mission de favoriser une gestion satisfaisante des déchets radioactifs. Une lecture attentive du projet du Conseil fédéral révèle qu'on est à cet égard loin du but. Le texte fourmille de dispositions restrictives et de conditions disproportionnées par rapport aux risques potentiels liés à la radioactivité résiduelle et à la nécessité de laisser la porte ouverte à un éventail de solutions. La radioactivité n'est pas cette force diabolique et mystérieuse que certains dessinent sur la muraille. C'est un phénomène parfaitement maîtrisé et suffisamment connu pour qu'on puisse l'utiliser avec profit dans les domaines de la médecine, de l'agriculture, de l'industrie et, bien entendu, de l'énergie.
Une solution semble prévaloir pour les déchets de moyenne et de faible activités. En Suisse, le site du Wellenberg, dans le canton de Nidwald, se prêterait fort bien à un stockage conforme aux exigences de sécurité les plus draconiennes. Quant aux procédures d'autorisation, les populations concernées devront, certes, pouvoir s'exprimer. Un droit de référendum national, tel que le souhaite le projet du Conseil fédéral, reviendrait en fait à faire voter pour ou contre le principe même de la gestion des déchets, alors que celle-ci est une exigence légale contraignante. La FRE invite par conséquent le Parlement à rejeter tout droit référendaire national et tout droit de veto multiple au niveau cantonal en matière d'approbation et d'exploitation des sites.
Logique internationale
La gestion des déchets de haute activité, du fait de leur toxicité et de leurs faibles volumes, exige une autre approche. Les enquêtes géologiques réalisées à ce jour permettent d'affirmer que le sous-sol suisse se prêterait en plusieurs endroits à un stockage sûr et définitif. Cela étant, la logique technique et économique plaide en faveur d'une solution internationale, avec un à deux dépôts par continent. En Europe, le bon sens devrait conduire à une étroite collaboration entre la douzaine de pays engagés dans des activités nucléaires afin d'éviter des redondances inutiles. C'est pourquoi la nouvelle loi nucléaire n'a pas à étiqueter les exportations de déchets comme étant de nature exceptionnelle. Une telle disposition restrictive est contraire à la nécessité de faciliter des solutions judicieuses régionales et internationales pour gérer les déchets radioactifs.
Telles sont les principales recommandations de la FRE relatives à la future loi sur l'énergie nucléaire. Par ailleurs, le texte proposé par le Conseil fédéral souffre d'un manque d'unité de la matière. On retrouve par exemple des dispositions sur les déchets ou sur les procédures d'autorisation sous plusieurs articles différents. Le texte contient aussi de nombreuses redondances et des imprécisions juridiques. La FRE invite le Parlement à "peigner" soigneusement le projet de loi et à le purger de toute disposition qui, le cas échéant, serait sujette à interprétation abusive ou inutilement restrictive.
JPB/avril 2001
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