Dérégulation aux Etats-Unis
La grande peur de l’été

Neuf années après l’adoption de la loi sur la libéralisation, le marché de l’électricité des Etats-Unis offre une image très contrastée, passablement brouillée par le syndrome californien et par la crainte d’une demande exacerbée par la prochaine arrivée de l’été. On est encore très loin d’une libéralisation généralisée.
Si, globalement, il est préférable de vivre dans un Etat où le marché reste réglementé, la situation est très variable d'une région du pays à l'autre. On constate néanmoins quelques grandes lignes de force. Ainsi, le courant est moins cher dans les Etats régulés. Sauf crise énergétique majeure, les prix ne devraient pas trop augmenter, sauf dans une quinzaine d'Etats. Enfin, l'été risque d'être très chaud dans une dizaine d'entre eux du fait des capacités de production insuffisantes et à des réseaux peu ou mal interconnectés.
Neuf ans après le vote du National Energy Policy Act, qui a jeté les bases de la dérégulation des marchés de l'énergie, et alors que le Texas a ouvert son marché, le 1" avril, il était temps d'établir un premier bilan de cette ouverture des marchés à l'américaine. Une synthèse qui s'appuie largement sur les documents publiés en début d'année par l'Energy Information Administration (EIA) et sur des données dont disposent les clients domestiques dans chacun des 51 Etats: situation énergétique, prix du kilowattheure, risques de rupture d'approvisionnement.
L’exemple californien peut?il se reproduire ailleurs, notamment cet été? L'ouverture n'a pas encore séduit tous les Etats. Vingt-quatre d’entre eux ont voté une loi autorisant la concurrence sur les marchés de l'électricité et du gaz. Dix-neuf autres se demandent actuellement s'il y a lieu de légiférer en la matière. La Géorgie, Hawaï, l'Idaho, le Kansas, le Kentucky, le Nebraska, le Dakota du Sud et le Tennessee restent des marchés régulés purs et durs.
Mais la crise californienne commence à en échauder certains. Au début de l'année, les parlementaires texans et virginiens ont proposé de repousser en 2002 la déréglementation de leur marché. L'Etat de George W Bush a fini par faire taire ses réticences. Mais la peur paralyse aussi les Etats qui ont franchi le pas. Si le Nevada a bien voté une loi ouvrant ses marchés à la concurrence, il vient d’en suspendre l'application.
En moyenne, le coût du kilowattheure dans les Etats régulés tourne autour de 7,95 cents, contre 8,77 cents dans les Etats où règne la loi du marché, soit une différence de 10,31 %. Et encore, le prix élevé facturé à Hawaï (plus de 17 cent) pèse-t-il lourdement sur la moyenne des Etats régulés. Dans le proche avenir, les factures devraient rester «raisonnables» dans 27 Etats, 12 régulés et 15 libéralisés. Le bon score des régions dérégulées s'explique par les dispositions qui bloquent les prix facturés aux clients, forme de réglementation que les libéraux dénoncent et estiment être à l’origine de la situation californienne.
En Virginie, les tarifs sont stabilisés pendant sept ans. En revanche, les consommateurs de 23 autres Etats vont subir des hausses parfois sensibles de leurs factures, dont 14 Etats encore réglementés. Et souvent de manière importante: 25% en Géorgie, 34% dans l'Idaho, 9,4% à 19% dans l'Utah, 10% à 20% dans l'État de Washington, 10% dans le Wisconsin. Aucun doute, la flambée des prix du gaz et du pétrole fait des victimes ailleurs qu'en Californie.
Seul l’Alaska annonce une baisse des prix. Il est vrai qu'avec ses gisements d'hydrocarbures et ses barrages, Anchorage est bien à l'abri des coupures de courant. Une situation dont rêvent d'autres Etats. Si l'on en croit un récent bilan effectué par l'Associated Press, neuf Etats pourraient connaître des coupures tournantes cet été. Trois d'entre eux sont régulés, dont la situation est particulière. Hawaï est en manque de capacité et ses réseaux ne sont pas interconnectés; la sécheresse a vidé les barrages du Dakota du Sud et les réseaux de transport du Wyoming sont délabrés.
Enfin, certains Etats libéralisés, tels le Connecticut, l'Arizona, le Nouveau?Mexique, l'Oklahoma et la Californie, sont menacés par manque de capacités de production suffisantes. L'Oregon dispose, lui, de barrages mais qu'il ne peut utiliser. Turbiner en ce moment détruirait d'importantes populations de saumons sauvages, une espèce protégée.

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