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Février 2002

Médecine, énergie, agriculture : les autres atouts de l'atome

Faut-il craindre la radioactivité? On n’a pas fini de mesurer les effets engendrés par la découverte de ce phénomène, il y a tout juste un siècle. Entre-temps, l’homme l’a si bien maîtrisée qu’il peut en tirer un formidable éventail d’applications dans la médecine, l’énergie, l’agriculture, la science et la technique.

"L’utilisation de la radioactivité en médecine a probablement permis de sauver plus de vies humaines, au cours du 20e siècle, que toutes les guerres ont fait de morts pendant cette même période de l’histoire!"

Telle est la conviction du Dr André Flückiger, président du Groupement des radiologues FMH de la Société vaudoise de médecine. Il fit cette surprenante déclaration lors de la commémoration du 100e anniversaire de la découverte des rayons X par Wilhelm Conrad Roentgen.

Les applications médicales de cette retentissante découverte ont été immédiates. La première radiographie de la main de Madame Roentgen a stupéfié le monde. Depuis lors, grâce aux multiples possibilités de diagnostic et de traitement, les techniques nucléaires permettent de sauver quotidiennement des centaines de milliers de vies dans les hôpitaux et instituts spécialisés du monde entier.

La radioactivité n’est pas ce diable que certains s’efforcent, par méconnaissance ou avec des arrière-pensées politiques et économiques, de peindre sur la muraille. Les risques ont été parfaitement identifiés, au point qu’on peut l’utiliser avec profit dans les domaines techniques, industriels ou agricoles les plus pointus.

Pollutions traquées
Il n’y a pas que l’énergie et la médecine! Ainsi, faute de pouvoir les éliminer complètement, l’homme dispose désormais des moyens de traquer et de quantifier les pollutions de l’environnement. Les isotopes sont particulièrement performants pour l’étude des masses d’eau, car ils permettent d’évaluer les volumes et de les exploiter plus rationnellement. Ils peuvent aussi servir à définir le risque de contamination et à étudier le mouvement et le comportement des polluants.

Il est désormais possible de supprimer de dangereuses pollutions de l’air grâce à de nouvelles techniques d’irradiation. Les faisceaux d’électrons ont le pouvoir d’éliminer la majeure partie des composants nocifs, tels les dioxydes de soufre et d’azote. C’est ce qu’a confirmé un dispositif expérimental installé dans une centrale au charbon polonaise.

Troupeaux sauvés
Cette usine rejette quotidiennement 20’000 mètres cubes de ces gaz. Or la mise en œuvre de faisceaux d’électrons a permis de supprimer 90% du dioxyde de soufre et 86% des oxydes d’azote. Trois installations expérimentales analogues fonctionnent au Japon: dans une centrale à charbon, un incinérateur de déchets et dans un tunnel routier à grande circulation pour neutraliser les pollutions automobiles.

L’agriculture est elle aussi concernée. Pendant quarante ans, des troupeaux africains ont été décimés par la peste bovine. Ce fléau est aujourd’hui en cours d’éradication, grâce à une nouvelle technique de diagnostic nucléaire mise au point par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

La stérilisation par irradiation permet de détruire des bactéries et des insectes responsables de la dégradation des denrées alimentaires. Les rayons tuent les larves qui, précédemment, réduisaient en l’espace de quelques jours le poisson séché au soleil à l’état d’arêtes. Au Bengladesh, une installation d’irradiation de denrées alimentaires et de matériels médicaux fonctionne depuis 10 ans dans une grande région de pêche.

Sus à la mouche tsé-tsé
On fait de plus en plus appel aux techniques radiologiques pour lutter contre les insectes nuisibles, à commencer par la mouche tsé-tsé. La technique de stérilisation qui permet son éradication est appliquée dans de nombreuses régions sous les auspices de l’AIEA. Des insectes mâles sont stérilisés par irradiation, puis relâchés, ce qui favorise des accouplements inféconds et une réduction rapide de la population d’insectes.

Fertilité des sols, irrigation et rendement des cultures, sélection des produits, analyse des effets des substances agrochimiques, lutte contre l’érosion et l’épuisement des sols: les techniques nucléaires constituent aujourd’hui un outil précieux pour permettre à l’agriculture de nourrir une population croissante.

C’est ainsi que les isotopes stables et radioactifs permettent de détecter, de suivre et de mesurer le comportement des engrais épandus, de déterminer la disponibilité des éléments nutritifs dans le sol et leur assimilation par les végétaux. On les applique également pour mesurer l’humidité des sols. La mise en œuvre de techniques nucléaires pourrait conduire à une diminution sensible des besoins en engrais traditionnels qui sont souvent dommageables pour les sols.

C’est ainsi que la pénétration des composés azotés contamine des eaux potables et entraîne l’eutrophisation des masses d’eau terrestres. D’autres effets nuisibles sur l’environnement résultent du dégagement de composés gazeux de l’azote dû à des processus chimiques et microbiologiques, tels que la volatisation de l’ammoniac, la formation d’oxyde d’azote et la dénitrification.

Les laboratoires de l’AIEA à Seibersdorf, en Autriche, ont joué un rôle essentiel dans l’exécution des programmes de recherche sur l’application rationnelle des engrais aux cultures de graminées, en développant des techniques isotopiques appropriées, en offrant des services d’analyse aux pays en développement et en leur transférant la technologie par l’enseignement.

Economies d’engrais
Ces travaux ont permis de diminuer le recours aux engrais pour un même rendement à la récolte. Dans certains pays, il en est résulté des économies considérables en engrais et une réduction de la charge nitrique de l’environnement.

La composante pénétrante des radiations est formée de photons gamma, de même nature que les rayons X. Ils traversent des objets très denses et épais, tels les aubages d’une turbine hydraulique, et les radiographient avec succès. Les défauts d’une soudure apparaissent, tout comme des amorces de fissure dans la profondeur de pièces forgées.

L’infiniment petit
De même, l’épaisseur des murs de béton de grands barrages peut être auscultée. Des sources radioactives minuscules, de quelques centimètres cubes au plus, sont introduites à l’intérieur des structures les plus complexes pour mieux les examiner.

La sensibilité extrême des indicateurs radioactifs permet de détecter des quantités infimes de matière, témoins, par exemple, de l’usure débutante d’un matériau. Les segments de piston d’un moteur sont préalablement radioactivés. Après un bref fonctionnement normal de la machine, des traces d’usure se trouvent déjà dans l’huile et peuvent être isolées et mesurées. Ce type d’examen, qui présente l’avantage de n’exercer aucune pression mécanique sur les matériaux contrôlés, donne des résultats d’une précision toute chirurgicale.

En fait, la radioactivité a donné à l’homme un moyen exceptionnel de prolonger dans l’univers sous-microscopique sa vocation d’homo faber: la conquête pacifique du monde moléculaire, fleuron de la science moderne, aurait été impensable sans la découverte et l’exploitation de cette alliée si performante. Il n’est pas inutile, compte tenu de la désinformation dont elle est l’objet, de lui rendre cette justice.

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