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Février 1988
Pollution politiquement correcte

A chacun son masque à gaz

"La pollution? D'ici l'an 2000, elle aura fait plus de ravages que les catastrophes naturelles ou techniques. Bhopal, Tchernobyl, ne sont que des incidents en comparaison". Ce cri d'alarme lancé par le vulcanologue Haroun Tazieff résume une situation de fait: l'air que nous respirons devient insalubre. Après les arbres, ce sont désormais les hommes qui sont menacés dans leur santé. S'ils sont d'accord sur la gravité du mal, les pouvoirs publics se détournent en revanche pudiquement du seul véritable remède disponible: le remplacement massif et accéléré du pétrole par l'électricité.

"Il ne faut plus parler de pollution. C'est bien d'un empoisonnement qu'il s'agit!" Cet avertissement du "Bulletin des médecins suisses" du 10 juin 1987 n'avait guère troublé les esprits, tout à la joie des douceurs estivales. Mais entre-temps, l'hiver est revenu, et avec lui le "smog" de plus en plus dense et pernicieux.

En 1985, on s'en souvient, l'air de Zurich et de Winterthour était par moment irrespirable. L'hiver suivant, des analyses à Lausanne et à Bâle révélaient la gravité du mal. A Genève, l'automne dernier, la pollution dépassait de deux fois les valeurs limites fixées par la Confédération: "Nous constatons l'accroissement net de mortalité et de morbidité dont les causes sont liées à l'air que nous respirons", constatait alors le Conseil d'Etat genevois.

Et Berne, dans tout ceci? Il y a deux ans, le Conseil fédéral établissait le seuil de tolérance du fameux dioxyde de soufre (S02) à 100 microgrammes par mètre cube d'air. Depuis lors, cette limite est régulièrement maltraitée dans toutes les villes du pays. Compte tenu de la gravité de la situation, on pouvait s'attendre à une vigoureuse réaction gouvernementale.

Las! En guise de réaction, Berne vient d'édicter des "recommandations" à l'intention des cantons. Pour le S02, le seuil d'alerte est désormais porté à 200 micro–grammes par mètre cube. Au-delà, les cantons sont invités à prendre des mesures de limitation de chauffage et de trafic motorisé. Si, malgré tout, le seuil des 350 micro–grammes était franchi, il faudrait alors accroître ces restrictions. Et ensuite? A quand la distribution des masques à gaz à la population?

Car il n'y a pas que le S02. Le "Bulletin des médecins suisses" rappelle le rôle tout aussi pernicieux des oxydes d'azote (NOx) et des hydrocarbures (HC), dérivés de la combustion du pétrole également. Et les chiffres sont effrayants: en 1950, les émissions de NOx s'élevaient à 40 000 tonnes par an. Aujourd'hui, elles se situent vers 300 000 tonnes. Quant aux hydrocarbures, ils ont passé de 90 000 tonnes en 1950 à près de 400 000 tonnes en 1987.

En regard de ces chiffres, les timides recommandations des pouvoirs publics paraissent bien dérisoires. Nous consommons chaque année en Suisse près de 13 millions de tonnes de produits pétroliers. C'est là que réside la source essentielle de cette pollution qui détériore la santé des arbres et des hommes.

Le jour où les pouvoirs publics décideront de s'attaquer sérieusement à ce mal, ils devront parler un langage clair, et nous dire à peu près ceci: la pollution provient de nos chauffages à mazout et de nos voitures à essence. Le seul moyen de rétablir durablement la pureté de l'air consiste donc à nous chauffer à l'électricité et à remplacer une part importante du parc automobile par des véhicules électriques.

C'est aussi simple que cela. Le fait que personne, à Berne et dans les cantons, n'ose tenir ce discours de la vérité, en dit long sur la crainte paralysante qu'inspire à nos autorités l'écologisme militant tout entier engagé dans son combat obsessionnel contre l'électricité hydraulique et nucléaire dans notre pays.

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