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Mai 2000

par Anton Schleiss*
Pilier de l'approvisionnement de la Suisse en électricité,
la force hydraulique a-t-elle tout donné ? Il
serait possible d'accroître la puissance disponible
dans des proportions non négligeables en modernisant
et rééquipant les ouvrages existants.
Notre pays dispose à cet égard d'un atout
enviable, à plus forte raison dans le cadre des
efforts de réduction des émissions de
gaz à effet de serre.
1. Le potentiel en Suisse
Le potentiel hydroélectrique économiquement
viable en cas de demande suffisante est estimé
à 37'000 GWh*. Le potentiel techniquement réalisable
atteint 41'000 GWh (1). La production annuelle moyenne
des 495 centrales hydroélectriques suisses est
de 34'318 GWh, avec une puissance installée de
13188 mégawatts (état au 1.1.2000, aux
bornes des alternateurs et sans déduction d'énergie
pour pompage d'accumulation) (2). Le potentiel économique
est donc exploité à plus de 90% et le
potentiel technique à plus de 80%.
Près de 60% de la consommation d'électricité
du pays sont couverts par l'hydraulique. Avec les 40%
assurés par les centrales nucléaires,
la Suisse est l'un des rares pays dont la production
d'électricité est exempte de rejets CO2.
La plupart de nos grands aménagements d'accumulation
ont aujourd'hui 40 à 50 ans d'âge. Ces
ouvrages produisent de l'énergie de pointe au
moment précis où la demande du réseau
est la plus élevée et permettent ainsi
de stabiliser la fréquence, ce qui constitue
un important facteur de compétition pour les
échanges d'électricité au niveau
international.
Afin de préserver cette énergie renouvelable
et précieuse, la modernisation des aménagements
sera indispensable au cours des prochaines décennies.
Il s'agit notamment d'optimiser ces ouvrages en augmentant
leur puissance et leur capacité de retenue par
la surélévation des barrages existants
partout où c'est encore possible. Le but de ces
extensions est d'atteindre une meilleure rentabilité,
argument de taille dans un marché libéralisé
et privatisé.
2. Possibilité d'extension
de la force hydraulique
Une étude réalisée en 1987 a permis
de procéder à une analyse systématique
des possibilités de réalisation de nouveaux
aménagements, ainsi que du renouvellement, de
l'optimisation et de l'extension des aménagements
existants (5). La probabilité des projets concrets
était estimée sur la base de la rentabilité,
de l'évolution de la demande, des impacts sur
l'environnement, de l'acceptation par la région
concernée, ainsi que de l'échéance
de la concession et des débits minimaux selon
la loi en vigueur.
Avec une pondération des projets conforme à
ces critères on a défini une fourchette
prévisionnelle qui s'étend entre une perspective
plutôt optimiste et plutôt pessimiste (tableau
1).
| Prévision
(sans pertes dues aux débits minimaux) |
2020 |
2050 |
| Minimale |
Maximale |
Minimale |
Maximale |
| Production annuelle |
25650
GWh |
37390
GWh |
35850
GWh |
37735
GWh |
| Production hivernale |
17085
GWh |
18490
GWh |
17170
GWh |
18660
GWh |
| Puissance |
14970
GWh |
16450
GWh |
15150
GWh |
16780
GWh |
Tableau 1
Selon cette prévision, une hausse de la production
annuelle de 5% à 10% (5,5 à 11%) jusqu'au
2020 (2050) par rapport à la production actuelle
paraît réaliste.
La croissance correspondant à la production hivernale
est de 14% à 23% (14.5% à 24.5%); la puissance
maximale disponible est de 25% à 38% (27% à
40%).
* 1 gigawattheure = 1 milliard
de kilowattheures
3. Réduction de la production
par l'augmentation des débits minimaux après
le
renouvellement des concessions
Les exigences de la loi sur la protection des eaux (art.
31) conduiront, après assainissement de tous
les aménagements, à une réduction
de la production annuelle de l'ordre de 1900 GWh (atteint
en 2020). En vertu de l'art. 33 de la loi, les autorités
d'exécution, les cantons, sont tenus d'accroître
les débits minimaux autant que le permettra l'évaluation
des divers intérêts en présence.
Selon les critères choisis, on peut s'attendre
à une réduction de la production dans
un éventail qui peut passer presque du simple
au double (tableau 2) (6).
Réductions
probables
de la production |
2020 |
2050 |
| Minimale |
Maximale |
Minimale |
Maximale |
| Production annuelle |
260
GWh |
380
GWh |
1960
GWh |
3755
GWh |
| Production hivernale |
140
GWh |
270
GWh |
1020
GWh |
1950
GWh |
Tableau 2
4. Contribution probable de
la force hydraulique
Compte tenu des baisses de production résultant
des débits minimaux, la contribution probable
de la force hydraulique devrait diminuer entre 2020
et 2050 (tableau 3).
| Prévision
(avec pertes dues aux débits minimaux) |
2020 |
2050 |
| Minimale |
Maximale |
Minimale |
Maximale |
| Production annuelle |
35390
GWh |
37010
GWh |
33890
GWh |
33980
GWh |
| Production hivernale |
16945
GWh |
18220
GWh |
16150
GWh |
16710
GWh |
Tableau 3
Cette estimation, plutôt optimiste, est basée
sur l'hypothèse selon laquelle les prévisions
minimale et maximale de la possibilité d'extension
de la force hydraulique, selon tableau 1, sont combinées
avec les réductions probables de production minimales
et maximales correspondantes, selon tableau 2.
5. Conclusions
Jusqu'en 2020, la contribution nette de la force hydraulique
pourra être légèrement augmentée
par rapport à la production actuelle soit, de
4% à 9% pour la production annuelle et de 13%
à 21.5% en hiver. Cette prévision est
un peu plus optimiste que celle de l'Association des
entreprises suisses d'électricité (AES)
(7). En revanche, pour l'horizon de 2050, il faut s'attendre
à une baisse sensible de la production en comparaison
du niveau actuel, car à cette époque,
les réglementations sur les débits minimaux
auront déployé tous leurs effets. Cela
dit, il subsiste un potentiel d'augmentation massive
de la puissance hydroélectrique globale. Celle-ci
pourrait être accrue de 27% à 40% d'ici
à 2050 en équipant les ouvrages existants
de nouveaux systèmes d'adduction d'eau et en
augmentant les capacités de retenue. Ce potentiel
présente un grand intérêt dans le
cadre de l'extension des réseaux interconnectés.
Références
bibliographiques
1. Hydropower and Dams : 1999 World Atlas and Industry
Guide, Aqua Media International 1999.
2. Statistik der Wasserkraftanlagen der Schweiz, BWW,
1999.
3. Schleiss A. : Constructions hydrauliques facteur
clé de la prospérité économique
et du développement durable au 21e siècle.
Ingénieurs et Architectes Suisses, no 9, juin
1999.
4. Schleiss A. : Perspektiven der Schweiz im weltweiten
Ausbau der Wasserkraft, Bulletin SEV/VSE 23, 1998.
5. Allet B.; Schleiss A. : Wasserkraft in der Schweiz
Ausbau, Möglichkeit und Schranken. Schweizer Ingenieur
und Architekt, Heft 29, 1990.
6. Schleiss A. : Réduction de production d'énergie
dans les aménagements hydroélectriques,
Bulletin VSE/UCS 24, 1987.
7. VSE/UCS : Prévision 1995. Novembre 1995.
* Professeur à lEcole
polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL),
directeur du Laboratoire de construction hydraulique,
1015 Lausanne - tél. 0041/21/693 22 64 ; fax
693 22 64 ; e-mail : Anton.Schleiss@EPFL.ch
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