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Octobre 1998
L'anniversaire d'une association
irremplaçable

Au fait, à
quoi servons-nous? La Fédération romande
pour l'énergie, éditrice de la présente
"Lettre", a 20 ans. Cet anniversaire coïncide
avec l'imminence de changements fondamentaux de la politique
énergétique ici et ailleurs: ouverture
des marchés du gaz et de l'électricité,
offensive généralisée contre le
nucléaire, perte progressive des leviers de commande
en Suisse même. Que faire?
Aujourd'hui majeure, la Fédération romande
pour l'énergie n'était pourtant pas faite
pour durer. Trois groupements de scientifiques et d'économistes
s'étaient constitués il y a tout juste
vingt ans dans le cadre de la campagne relative à
la première initiative antinucléaire.
Ils imaginaient, en toute candeur, que cette initiative
reflétait une crainte diffuse d'une partie de
la population. Il suffirait donc de produire une information
factuelle sur cette nouvelle technologie - et que les
médias se feraient un devoir de diffuser - pour
rassurer l'opinion et que tout rentre dans l'ordre.
On pourrait alors se dissoudre, mission accomplie.
Il a fallu déchanter En nous engageant dans le
débat, nous avons tiré l'extrémité
d'une pelote que nous n'avons pas fini de dénouer.
Il est apparu que l'énergie nucléaire
était moins combattue pour ses prétendus
dangers que pour ce qu'elle représentait: une
concurrence redoutable pour les énergies fossiles
et la possibilité, pour les pays utilisateurs,
d'accroître leur indépendance énergétique.
Nous découvrions avec ahurissement, derrière
l'image d'Epinal de l'écologiste héroïque
sonnant la charge contre le tout puissant lobby de l'atome,
une formidable organisation dotée d'un pouvoir
politique et financier sans égal. Il suffit de
se rappeler que le sort même d'une quinzaine de
pays est suspendu au cours du pétrole pour apprécier
les enjeux en présence.
Certains membres de la première heure, jugeant
les rapports de force trop inégaux, ont rapidement
décidé de jeter l'éponge. Face
à une telle coalition d'intérêts
convergents, disaient-ils, l'atome n'avait pratiquement
aucune chance de survie. Les autres membres de la Fédération
estimèrent, au contraire, qu'il fallait poursuivre
et renforcer l'effort d'information. Ainsi, après
dix ans d'existence, la FRE comptait douze associations
régionales.
L'information est le fil de conducteur de notre activité.
A ce jour, la fédération a publié
six brochures et trente-deux fiches didactiques sur
tous les domaines de l'énergie. Elle a organisé
près de 150 visites d'installations et autant
de conférences et débats publics. Ses
prises de position reposent sur l'analyse de l'ensemble
des données scientifiques, économiques
et écologiques des questions en suspens. Elles
excluent les arguments simplificateurs et dogmatiques.
Cette attitude tranche avec le discours passionnel et
démagogique qui caractérise souvent le
débat énergétique dans ce pays.
Il y a vingt ans la situation de politique énergétique
en Suisse et dans le monde était bien différente
de ce qu'elle est aujourd'hui. Depuis lors, la tendance
à la globalisation a provoqué un important
décalage des mécanismes de décision.
Le pouvoir, dans le domaine de l'énergie, échappe
désormais de plus en plus souvent aux structures
politiques traditionnelles.
Nous en voulons pour preuve l'intégration, dans
les rouages décisionnels helvétiques,
de représentants d'organisations non gouvernementales,
tels Greenpeace ou le WWF, dont des représentants
siègent aujourd'hui au sein de groupes de travail
de la Confédération, et qui ont droit
de recours contre tout projet de construction et de
développement ayant un impact sur l'environnement.
Notre Fédération ne peut ignorer cette
évolution. Il nous revient de réfléchir
à l'affectation de nos moyens à des objectifs
mieux ciblés.
Ces objectifs, quels sont-ils? Nous avons une ambition:
celle de défendre et d'illustrer une Suisse ouverte
au progrès scientifique. Une part essentielle
de l'essor de notre pays repose sur son savoir-faire
technologique. L'énergie tient une place particulière
dans ce savoir-faire. La Suisse est en pointe dans plusieurs
domaines.
C'est le cas de la pile à combustible, des applications
de la pompe à chaleur, de la fusion nucléaire,
de la gestion des déchets radioactifs par la
Cédra, dont les travaux font référence
dans le monde entier, ou encore des applications solaires
dans le cadre de plusieurs instituts de recherches universitaires
et de la Confédération.
La fédération entend accorder une plus
grande attention à ces travaux avec l'aide de
son nouveau Conseil scientifique, présidé
par Raymond Lafitte, professeur d'économie hydraulique
à l'Ecole polytechnique fédérale
de Lausanne. Les avis de ce conseil sont très
précieux pour nous aider dans ce qui reste la
principale mission de la fédération: l'information.
Vingt ans après la première initiative
antiatomique lancée dans le pays, une immense
majorité d'individus ne savent toujours pas ce
qu'est l'énergie nucléaire. On a, certes,
une opinion, mais on ignore tout du fonctionnement des
centrales et des effets réels des matériaux
radioactifs.
Or nous constatons quotidiennement que cette méconnaissance
englobe les autres domaines de l'énergie. La
Suisse est un petit pays dépourvu de matières
premières. Elle ne peut pas se permettre de se
tromper de politique énergétique. Or les
choix à venir devront s'appuyer sur un minimum
de faits clairement établis. Nous avons, dans
des proportions raisonnables, besoin de toutes les énergies.
Plus que jamais, la Fédération romande
pour l'énergie s'oppose à ceux qui veulent
fermer des portes. Elle le fait en informant. Nous allons
ouvrir un site Internet. Nous allons éditer des
feuilles d'information didactiques. Nous allons poursuivre
et accroître la diffusion de la lettre de l'énergie
qui est, nous avons la faiblesse de le croire, le seul
document qui informe en Suisse romande sur les coulisses,
sur les acteurs et sur les enjeux socioéconomiques
réels de la controverse énergétique
mondiale.
Nous sommes d'avis que l'énergie n'est pas un
produit comme un autre. A plus forte raison l'électricité,
qui est le système nerveux de tout Etat moderne.
La Suisse est confrontée à des choix lourds
de conséquence. Et la FRE entend bien prendre
une part active à la préparation de l'avenir.
Eclairage
"Nous n'avons pas peur
de l'avenir!"
Défense du progrès scientifique et technologique,
sauvegarde de leviers de commande en matière
d'approvisionnement: pour atteindre ce double objectif
prioritaire, la Fédération romande pour
l'énergie (FRE) change de visage et élit
un nouveau président. Patrick C. Léonard
succède à l'ancien conseiller national
Jean-Pierre Berger.
La FRE compte à ce jour douze associations régionales
qui totalisent plus de 2000 membres individuels et collectifs.
Pour accroître son efficacité sur une scène,
énergétique en ébullition, cette
organisation est amenée à adapter ses
structures, son message et ses objectifs. La volonté
de rationaliser et de mieux cibler ses activités
se traduit par un nouveau visage.
La fédération perd son caractère
faîtier et devient une association simple avec
des membres individuels et collectifs. Quelques-unes
des douze associations régionales se sont d'emblée
fondues dans la nouvelle organisation. Les autres ont
décidé de poursuivre leur activité
propre, tout en demeurant membres de la fédération.
Le 12 novembre dernier, la fédération
a élu à sa tête Patrick C. Léonard,
ingénieur et adjoint au chef du département
d'électricité de l'EPFL. Le nouveau président
est entouré d'un comité et d'un bureau
comprenant notamment le conseiller aux Etats Eric Rochat,
le professeur EPFL Raymond Lafitte, la députée
vaudoise Odile Jaeger et l'économiste Guy-Philippe
Bolay.
Dans son propos introductif, M. Léonard a souligné
que la fédération était déterminée
à tenir son rôle dans les débats
actuels et futurs: "Nous n'avons pas peur de l'avenir.
Une part essentielle de l'essor de notre pays repose
sur le savoir-faire de ses écoles, de ses ingénieurs
et de ses techniciens".
L'illustration et la défense de cet acquis passe
par l'information, qui reste la principale mission de
l'association: "Or le débat énergétique
qui agite la scène politique helvétique
depuis plus de vingt ans n'a nullement conduit à
clarifier les choses", affirme M. Léonard.
"Nous sommes plus que jamais englués dans
une désinformation systématique".
A la nécessité de défendre le progrès
scientifique et d'informer de manière factuelle
sur les enjeux énergétiques s'ajoute un
troisième objectif: aider la Suisse à
conserver un minimum de pouvoirs et de leviers de commande
dans le domaine de l'approvisionnement énergétique.
"Pauvre en ressources propres, notre pays de doit
pas se tromper de politique énergétique",
affirme le nouveau président de la FRE.
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