Haut de la page




 Haut de la page




 Haut de la page




 Haut de la page

< Retour à la liste des lettres

Octobre 2000

Une occasion manquée! Le débat sur les taxes énergétiques aurait pu être mis à profit pour diffuser une information factuelle sur les avantages et les inconvénients respectifs des différentes énergies. Mais la controverse a vite tourné au pugilat économico-politique, sous-tendu par les arrière-pensées des uns et des autres. Le fait est, pourtant, que la Suisse a une excellente carte à jouer dans le renouvelable. Mais le sait-on seulement?

La banlieue lausannoise abrite un leader mondial de l’industrie photovoltaïque. Et ce n’est pas une exception. Plusieurs PME romandes tirent avec succès leur épingle du jeu sur le marché des énergies vertes. On est désormais loin de l’image d’Epinal d’une activité de bricolage pour doux rêveurs. Le renouvelable s’installe dans le tissu économique du pays.

Musique d’avenir pour jeunes idéalistes? C’est l’image que suscitent encore souvent les énergies renouvelables dans l’esprit de beaucoup de monde. «Une image totalement fausse», affirme avec force Andreas Meyer. Avec son frère Toby, il a créé à Gland (VD) une entreprise qui fabrique un colorant utilisé dans le monde entier pour la production d’une nouvelle génération de cellules solaires.

Leader mondial
Aussi les deux frères sont-ils probablement mieux connus à l’étranger que dans leur propre pays. Ils sont l’un et l’autre convaincus que la Suisse romande dispose du savoir-faire et du dynamisme nécessaires pour jouer une bonne carte dans l’émergence des énergies renouvelables.

Cet avis est partagé par Yassine Allani et Christian Pécoud, responsables de l’entreprise Cogener. Ils ont mis au point un système de production d’électricité combinant gaz et photovoltaïque, notamment destiné aux pays en développement. Située à Cheseaux sur Lausanne, la société HCT Shaping Systems est quant à elle leader mondial dans la fabrication de machines pour la découpe des cellules photovoltaïques.

On pourrait multiplier les exemples. Telle l’entreprise moudonnoise Agena, qui a participé à un projet de construction solaire au Tessin avec l’architecte Mario Botta. Ou encore l’ingénieur neuchâtelois Bernard Matthey, qui s’est spécialisé dans le stockage saisonnier de l’énergie solaire. Sans oublier le vent. Dans un marché pourtant bétonné par les Danois et les Allemands, la petite société zurichoise Interwind a réussi à vendre un parc éolien clé en main à un client turque.

Renaissance
Cet exemple témoigne du dynamisme des énergies renouvelables sur les marchés étrangers. Partie très tôt dans cette voie - la Suisse est aujourd’hui le premier producteur mondial d’électricité photovoltaïque par tête d’habitant - notre pays pourrait profiter de cet engouement international pour valoriser son savoir-faire et ses services.

"Nos entreprises ont les moyens d’occuper des niches prometteuses", souligne le physicien Jean-Christophe Hadorn, chef d’un programme de recherche de la Confédération sur le solaire thermique. Il évoque notamment la technologie des onduleurs, qui convertissent l’électricité continu en courant alternatif, ainsi que les régulateurs intelligents, qui permettent de délivrer l’énergie du bâtiment au bon moment, compte tenu de l’appoint solaire.

Il n’y a pas que le soleil et le vent. L’essor des énergies vertes est en train de redonner vie à une source très répandue au début du siècle passé: la petite hydraulique. En Suisse romande, plusieurs installations pilotes ont démontré qu’il était possible de rééquiper certaines rivières et de valoriser les réseaux d’eau potable et usée pour produire des kilowattheures.

Mises en eau
Un laboratoire de pointe a été aménagé dans le cadre de la centrale hydroélectrique vaudoise de Montcherand. Il offre une plate-forme d’essais pour tester des machines qui sont ensuite mises en eau dans les différentes régions du pays.

Cette activité a débouché sur un net regain d’activité dans un secteur à l’abandon. Aujourd’hui, plusieurs entreprises industrielles suisses développent avec succès des activités de fabrication, de montage, de services et d’exportation d’équipements pour les petits ouvrages hydroélectriques. C’est le cas des sociétés Bertholet & Mathis, à Lausanne, ou Elsa SA, à Sion, qui fournissent des centrales clé en main. L’entreprise ecotools, à Bienne, et Glassey, à Martigny, offrent des services d’ingénierie et du montage de matériel électrique aux exploitants.

Levier
Ce dynamisme mérite d’être soutenu et amplifié. Comment? Nous persistons à penser que des taxes forfaitaires, telles qu’elles furent soumises au peuple suisse, sont une mauvaise solution. Notre pays dispose d’instruments plus efficaces pour encourager les agents renouvelables. La nouvelle loi fédérale sur l’énergie attribue à ces technologies un rôle majeur dans l’approvisionnement du pays. Il revient par conséquent à la Confédération de se donner les moyens de cette ambition en leur consacrant les ressources financières nécessaires, mais prélevées sur son budget de fonctionnement normal.

La taxe sur le CO2, en vigueur depuis le 1er mai dernier, constitue un autre levier utile. Ses principales qualités résident dans son caractère subsidiaire et dans le fait qu’elle repose sur le principe du pollueur-payeur. Le gaz carbonique est tenu pour la première cause de l’accroissement de l’effet de serre et des risques de réchauffement climatique. Il s’agit par conséquent d’un excellent outil pour atteindre le double objectif, inscrit dans nos lois, de la diversification énergétique et de la protection de l’environnement.

Schroeder le charbonnier
"Cet endroit me plaît mieux qu’une usine nucléaire!" s’exclamait l’autre jour Gerhard Schroeder. Le chancelier allemand inaugurait une nouvelle centrale électrique à charbon dans les environs de Lippendorf. Une déclaration qui fut chaleureusement applaudie par les trois cents employés de cette usine flambant neuve, dont la mise en service n’avait pas suscité la moindre entrave de la part des milieux écologistes.

M. Schroeder n’a pas expliqué les raisons de cette préférence. On en est donc réduit aux suppositions. Exercice difficile s’il en est. Pour produire une même quantité d’électricité que la centrale nucléaire suisse de Gösgen, par exemple, une installation à charbon brûle chaque année xx millions de tonnes de combustible, provoquant le rejet dans l’atmosphère de xx millions de tonnes de gaz carbonique, xxx tonnes d’anhydrides sulfureux, xx tonnes d’oxydes d’azote, ou encore xx tonnes de cendres volantes qu’il faut bien éliminer d’une manière ou d’une autre. Une telle centrale émet aussi davantage de substances radioactives dans son environnement immédiat qu’un ouvrage nucléaire.

L’alternative
Gösgen, elle, ne produit ni CO2, ni anhydride sulfureux, ni oxydes d’azote, ni cendres volantes. Une fois utilisés, les éléments combustibles font l’objet d’un retraitement qui permet de réutiliser près de 90% de l’uranium disponible, laissant de très petites quantités de déchets de haute activité, soigneusement confinées en dehors de la biosphère, et pour lesquelles il faudra trouver un site de stockage le moment venu.

L’obsession d’être politiquement – et antinucléairement – corrects, a l’image de M. Schroeder, nous conduira-t-il à poursuivre la détérioration des forêts, l’engluement de régions côtières et la mise en danger des équilibres climatiques en utilisant massivement des énergies polluantes, alors que nous disposons, avec le nucléaire, la force hydraulique et les autres agents renouvelables de sources propres et abondantes?

Ceux qui se préoccupent des risques que recèle l’atome pour les générations futures – sujet qui ne saurait être éludé – ne rejettent pas cette technologie: ils l’améliorent. Il faut donner aux ingénieurs et aux techniciens les moyens de construire les meilleures centrales possibles. Il est tout aussi urgent de contrecarrer la désinformation savamment entretenue à propos de la radioactivité et de ses effets.

De Saint-Moritz à Gösgen
Exemple: une seule radiographie du thorax entraîne une irradiation de 1000 microsieverts. Pour absorber une dose équivalente, il faudrait dormir quatre nuits d’affilée contre un conteneur de déchets radioactifs issus d’une centrale nucléaire. Or une cure de dix jours dans une station thermale en altitude entraîne une irradiation quatre fois plus élevée. Les habitants de Saint-Moritz absorbent trois fois plus de radioactivité que les voisins de la centrale nucléaire de Gösgen.

La radioactivité n’est donc pas cette puissance mystérieuse et insaisissable que certains s’acharnent à peindre sur la muraille. C’est une force parfaitement mesurable et suffisamment maîtrisée pour être utilisée en toute sécurité dans la médecine, l’industrie, l’agriculture et l’énergie.

Courage!
"L’énergie nucléaire devrait jouer un rôle majeur en contribuant à la fourniture d’électricité et à la lutte contre le réchauffement de la planète!". Cette conclusion du dernier Congrès mondial de l’énergie, à Houston, suppose toutefois que l’industrie prenne les mesures nécessaires pour abaisser les coûts et rassurer l’opinion publique sur les questions de sûreté.

Elle suppose également que les gouvernements jouent un rôle plus actif en favorisant une gestion prudente des déchets et, surtout, en dénonçant les campagnes de désinformation et de peur orchestrées par les adversaires politiques et économiques de cette technologie. Une telle attitude exige du courage et de la détermination. Des qualités indispensables si l’on veut éviter de perpétuer le rôle écrasant des combustibles fossiles dans l’approvisionnement futur, avec tous les risques économiques, écologiques et politiques qui en résultent.
(Extrait d’un article paru dans "24 HEURES"du 23 juillet 2000)

< Retour à la liste des lettres