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17.05.84
Les dessous d'une opposition parfaitement structurée
Le lobby antinucléaire
Le débat nucléaire se nourrit d'images d'Epinal. L'un des clichés les plus fréquents en est le fameux "Iobby nucléaire" que l'on tente de présenter comme tout-puissant, immensément riche, dominateur, occulte, s'efforçant d'écraser de paisibles mouvements écologistes. Ces derniers étant comme chacun sait les croisés de la "qualité de la vie", de la sauvegarde des "générations futures", et dont l'idéalisme est la seule richesse. Qu'en est il en réalité?
Les opposants à l'énergie nucléaire ont réussi à susciter dans les esprits un amalgame de valeurs positives mises au goût du jour. Ils prétendent et ont la réputation d'être prévoyants, humains, critiques, créatifs, idéalistes, non-violents et démocrates. Ils sont modestes et ne disposent d'aucuns supports financiers. Ils jouissent de l'aura des combattants persécutés par les puissances économiques anonymes et malfaisantes et méritent d'être soutenus.
Et on les soutient! Car cette image ainsi magnifiée par les médias exerce une attraction irrésistible sur tous ceux qui, dans notre civilisation technologique, sont las de leur aisance ou impatients de se voir octroyées les responsabilités et la considération qui leur sont dues.
De plus, l'image positive de l'écologiste militant séduit maint politicien en quête de suffrages dans la mesure où elle lui permet de jouer sans risque un beau rôle devant une audience bien disposée. Le courant antinucléaire profite également à certaines organisations de protection de la nature qui cherchent à compenser, au moyen de la peur de l'atome, l'intérêt plutôt défaillant du grand public à l'endroit des causes qu'elles défendent.
On y trouve encore des scientifiques qui, n'ayant pas obtenu une appréciation académique suffisante à leurs yeux, ou qui ont été privés de missions de recherches lucratives, ont trouvé dans leur engagement antinucléaire un terrain personnellement plus favorable.
Dialogue de sourds
A une époque où les mots ont autant, sinon davantage de poids que les faits, le mouvement antinucléaire joue sur du velours. Tel n'est évidemment pas le cas de ceux qui luttent en faveur de l'énergie nucléaire. lis doivent en effet se battre sur deux plans. Premièrement, ils doivent démontrer que la bonne marche de l'économie est tributaire d'un approvisionnement sans faille en électricité, et que la nécessité de remplacer une part du pétrole, de protéger l'environnement et de ne pas rater les grands virages technologiques, passe inévitablement par un accroissement de la demande en énergie électrique. Etant entendu que cette demande ne pourra être satisfaite, pour des raisons techniques, économiques et écologiques, que par des centrales nucléaires.
Ils doivent ensuite mettre en évidence que les centrales nucléaires sont aussi sûres, voire davantage, que d'autres sources d'énergie bien acceptées, que les exigences élevées posées par le stockage des déchets pourront être satisfaites, que le nucléaire n'est pas contraire aux idéaux écologiques puisqu'il a le mérite de ne pas polluer l'atmosphère.
D'un côté, les grandes envolées lyriques et démagogiques, les arrière-pensées politiques et la méconnaissance de certaines données économiques fondamentales, de l'autre la nécessité de préserver une source d'énergie indispensable dans un pays pauvre en matières premières et de présenter des arguments fondés, rationnels, mais pas toujours conformes aux idées à la mode. On comprend mieux, dès lors, pourquoi le citoyen moyen a l'impression d'assister à un dialogue de sourds et qu'il ne sait plus très bien à quel saint se vouer dans le domaine de l'énergie.
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