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15.10.85

Désinformation (1)

Coup au but
Comment les services fédéraux s'informent-ils sur les questions qui les concernent directement? De manière parfois très inattendue, comme en témoigne la fameuse et toute récente affaire du "cahier n* 43". But inavoué mais quasi transparent de cette publication de l'Office de la protection de l'environnement: compromettre l'énergie nucléaire avec le dépérissement des forêts. Une superbe opération de désinformation!
L'idée lumineuse de cet office fédéral: confier à un bureau d'études, connu pour ses attaches avec les milieux antinucléaires, un mandat de recherches sur le thème "radioactivité et dépérissement des forêts". Et de publier quelques mois plus tard une "étude" selon laquelle (et au mépris de toutes les recherches et mesures antérieures sérieuses), "il n'est pas exclu que les dommages aux forêts puissent être imputés aux rejets radioactifs des centrales nucléaires".
Tel est, en substance, l'un des événements de l'actualité de cet été. Ses protagonistes en sont l'Office fédéral de la protection de l'environnement et le bureau d'études de Zurich "Infras", spécialisé dans l'écologie et l'aménagement du territoire.
Or cette société n'a jamais caché ses convictions antinucléaires. Elle s'est notamment engagée activement dans les campagnes précédant les votations sur l'atome en Suisse. Dès lors, en lui confiant un mandat de recherches à caractère scientifique, l'Office de l'environnement ne pouvait ignorer qu'il s'engageait sur un terrain miné.
Et ça n'a pas manqué ! Dans sa documentation, Infras a fait une large place au biologiste allemand G. Reichelt, dont les travaux sont considérés outre-Rhin comme une joyeuse plaisanterie. Pour démontrer la nocivité des installations nucléaires, M. Reichelt avait fondé toute sa démonstration sur l'exemple d'une centrale allemande autour de laquelle il n'y avait pas de forêt.
Par la suite, une expertise de l'Institut de recherche des eaux et forêts de l'Université de Freiburg devait qualifier ces travaux de "superficiels, dilettantes et arbitraires". C est dire qu'ils n'avaient pas leur place dans des documents émanant de la Confédération.
D'autant plus que l'Office pouvait s'appuyer sur les travaux de la Commission fédérale de surveillance de la radioactivité et de la division principale de la sécurité des installations nucléaires. En tant que services spécialisés de la Confédération, ces instances mesurent avec une précision extrême les rejets radioactifs des centrales et leurs effets sur l'environ­nement.
Ces contrôles ont notamment permis d'établir que les doses d'irradiation additionnelles imputables aux centrales nucléai­res étaient insignifiantes, soit inférieures à 1% de la radioactivité naturelle qui n'est elle-même qu'une fraction des taux d'activité considérés comme dangereux pour la santé humaine.
"Toute influence de ces rejets sur le dépérissement des forêts est donc exclue ", confirmait, dans un communiqué, le Département fédéral de l'intérieur qui est, soit dit en passant, l'autorité tutélaire de l'Office de l'environnement.
Que cache l'opération "Infras"? Toute forme d'énergie présente des avantages et des inconvénients. Le nucléaire n'échappe pas à la règle. Mais il présente le formidable avantage de ne pas polluer l'atmosphère. Raison pour laquelle certains milieux s'efforcent de lui attribuer un rôle dans la mort des forêts. Il ne fait pas de doute que nous allons assister à d'autres tentatives de la même veine, selon la formule éprouvée: "Mentez, mentez ! Il en restera toujours quelque chose".
Il est décidément urgent de retirer la politique énergétique des marais de l'idéologie et de la rétablir sur le terrain plus ferme de la rigueur scientifique et de la vérité économique.

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