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La fin de l'Etat-nation | Le lord "pacifiste" | La dynamique | Les ONG | La vision de Cousteau
Longtemps célébré comme un grand humaniste, le philosophe et mathématicien Bertrand Russel a, de fait, joué un rôle déterminant au sein d'une phalange politique et scientifique en vue de circonvenir, puis d'éliminer les Etats en tant qu'entités souveraines. Sa stratégie reposait sur un chantage à l'atome: la terreur atomique visait à rendre la guerre trop coûteuse pour être tentée. Le risque de déflagration écarté, on pouvait dans la foulée se dispenser d'une défense classique et, par la même occasion, d'entretenir une industrie forte, dont l'étranglement était l'objectif ultime.
Comme Russel l'exposa dans le Bulletin of Atomic Scientists du 1er septembre 1946, le nouvel âge nucléaire allait permettre non seulement d'éviter une nouvelle guerre mais, surtout, de mettre en place une dictature supranationale: "Il n'existe qu'une seule façon d'empêcher de manière permanente les grandes guerres, c'est l'établissement d'un gouvernement international. J'entends un gouvernement qui gouverne avec des pouvoirs réels, pas un leurre comme la Ligue des Nations ou les Nations Unies."
La réussite de cette stratégie reposait toutefois sur la concentration des pouvoirs dans les mains d'une élite qui, aux yeux de lord Russel, ne pouvait être qu'anglo-saxonne. Aussi le philosophe proposa-t-il, dans le même bulletin, de bombarder préventivement l'Union soviétique de manière à atteindre rapidement ses objectifs ultimes. Le rejet de cette proposition l'amena toutefois rapidement à se satisfaire d'une structure mondiale bipolaire, ce qui explique la bienveillance qu'il manifesta ultérieurement à l'égard de l'Union soviétique. Après tout, le communisme visait un même objectif d'anéantissement des Etats-nations et l'instauration d'une dictature mondiale. Il y avait donc moyen de s'entendre.
Cette première ébauche de stratégie basée sur le chantage à l'atome n'a que partiellement réussi. L'Etat-nation, aux yeux de ses adversaires, ne se désintégrait pas assez rapidement. D'autant plus que certains pays se dotaient eux aussi de l'arme nucléaire, rendant le chantage atomique largement inopérant. Il fallait donc passer à d'autres opérations plus subtiles, basées sur la désinformation et sur la "ringardisation" de toute forme de patriotisme. Ainsi, il revenait aux médias complaisants d'assimiler systématiquement les hommes politiques patriotes à des nostalgiques d'extrême droite ou à des démagogues populistes.
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