Amélioration de l’efficacité énergétique : oui, avec de bons instruments
Les certificats blancs proposés par le Conseil fédéral ou les bonus malus retenus par le conseil national lors de la session d’hiver 2014 présentent de grands inconvénients. Un renforcement des instruments déjà existants basés sur le modèle du « marché de l’efficacité » présente en revanche nettement plus de pertinence.
L’objectif de diminuer la consommation d’électricité en Suisse est largement accepté. En revanche, le choix des instruments permettant d’y parvenir est très contesté. Le Conseil fédéral souhaiterait s’en prendre aux fournisseurs d’électricité. Ces derniers devraient chaque année en vendre moins. Alors que la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-N) chargée de l’examen préalable voulait supprimer ce passage de la loi, le Conseil national a introduit lors de sa session d’hiver 2014 un système de bonus-malus. Ce modèle s’applique aux distributeurs finaux, c’est-à-dire aux gestionnaires de réseau. Fin avril 2015, la commission du Conseil des Etats a décidé à la majorité de biffer les dispositions relatives aux objectifs d’efficacité pour les gestionnaires de réseau telles qu’elles ont été adoptées par le Conseil national. Le dossier se trouve désormais au Conseil des Etats.
Les certificats blancs et le système de bonus-malus
Avec les certificats blancs, tous les fournisseurs d’électricité dont la quantité annuelle écoulée est supérieure ou égale à 30 GWh devraient atteindre des objectifs d’efficacité énergétique. Les entreprises concernées auraient par conséquent à réaliser chaque année auprès de leurs clients suisses des économies d’électricité équivalant à un pourcentage fixé par le Conseil fédéral, entre 1 et 2% de l’électricité écoulée. Cela signifie que le fournisseur d’électricité est tenu d’empêcher ses clients d’acheter son produit. Ce qui est pour le moins paradoxal. Celui qui n’atteint pas ces objectifs risque des sanctions. Sʼil dépasse par contre lʼobjectif, il reçoit des «certificats blancs» quʼil peut vendre.
Il est normal d’inciter les consommateurs à faire des économies d’électricité, pas de les y contraindre. Et faire assumer cette responsabilité aux fournisseurs n’est pas logique. Ce ne sont pas les personnes prenant les décisions de consommation et d’investissement qui se voient imposer des incitations par le Conseil fédéral mais les fournisseurs. Bien qu’inconnus en Suisse et déjà largement rejetés lors de la phase de consultation, le Conseil fédéral souhaite conserver les certificats blancs.
Le système de bonus-malus privilégié par le Conseil national s’applique aux gestionnaires de réseau, c’est-à-dire aux distributeurs finaux. Ce système comporte, lui aussi, un objectif de réduction. Lorsque celui-ci est atteint, on obtient un bonus. Dans le cas contraire, on reçoit un malus. Le bonus sera financé par un fond de rétribution, et donc par les consommateurs finaux. Il a été avancé que ce modèle a déjà été testé par d’autres pays comme le Danemark, par exemple, qui a considérablement augmenté son efficacité grâce à lui. Si la conseillère fédérale Doris Leuthard a critiqué les faiblesses de ce modèle, elle n’y est pas fondamentalement opposée.
Les points faibles des deux modèles
En résumé, les certificats blancs et le système de bonus-malus ne sont pas adaptés et doivent donc être clairement rejetés pour les raisons suivantes:
- Le fournisseur ou le gestionnaire de réseau (suivant le modèle) ne peut pas contraindre ses clients à moins consommer. Les deux systèmes ne respectent pas le principe de causalité.
- Ces deux systèmes n’agissent que sur l’électricité et non pas sur la réduction de la consommation globale d’énergie. Or, l’électricité constitue souvent une alternative intelligente au fossile en matière d’efficacité énergétique et contribue ainsi à l’efficacité énergétique.
- Il s’agit d’une entrave importante à la liberté d’entreprendre des fournisseurs/gestionnaires de réseau.
- La charge de travail engendrée par l’exécution et l’administration est immense – avec les deux modèles, plusieurs centaines de prestataires seraient concernés en Suisse.
- Les coûts engendrés par la mise en œuvre par les fournisseurs ou les gestionnaires de réseau de ces deux systèmes seront au final à la charge des consommateurs finaux.
Le modèle de marché de l’efficacité de la branche de l’électricité
L’Association des entreprises électriques suisses (AES) a introduit dans le débat politique le marché de l’efficacité comme alternative aux «certificats blancs» et «système de bonus-malus». Contrairement à ces deux modèles, le marché de l’efficacité propose des incitations directement aux consommateurs finaux selon le principe de causalité. Soit celui qui consomme décide. En outre, le marché de l’efficacité s’appuie sur des instruments existants et n’exige aucune nouvelle structure, ce qui permet de limiter les dépenses. De plus, il se concentre sur l’amélioration essentielle de l’efficacité énergétique globale et non pas uniquement sur l’efficacité électrique, car les applications électriques améliorent l’efficacité énergétique globale. C’est déjà le cas grâce au remplacement des chauffages à combustibles fossiles par des pompes à chaleur ou le remplacement des voitures à moteur à combustion par des véhicules électriques.
Le marché de l’efficacité repose sur des conventions d’objectifs. En signant de telles conventions, une entreprise s’engage à exploiter son potentiel d’économies dans une période définie. La trajectoire énergétique de l’entreprise est fixée en fonction du potentiel identifié. La baisse des coûts énergétiques est la principale raison qui pousse une entreprise à conclure une convention d’objectifs. Le gain d’image constitue aussi une motivation pour l’entreprise. Les conventions d’objectifs sont soutenues en partie par des fournisseurs d’énergie, par certains cantons, mais aussi par des fondations privées. Le marché de l’efficacité ne rémunère pas la conclusion d’une convention d’objectifs mais les excédents (prestations supplémentaires) réalisés par rapport à la convention signée. Cela signifie que les excédents sont certifiés et peuvent être vendus aux consommateurs finaux qui souhaitent compenser leur consommation d’énergie. Cela permet donc de créer une nouvelle incitation à la mise en œuvre de mesures d’efficacité, car les économies réalisées grâce aux mesures d’efficacité augmentent encore avec la vente des excédents. Cependant, pour que le système fonctionne, il faut qu’une demande suffisante de certificats soit assurée au cours de la phase initiale. La Confédération devrait assurer cette demande en prenant en charge une éventuelle offre excédentaire, ce qui reviendrait en fin de compte à subventionner des mesures d’efficacité.
Marché de l’efficacité : un système simple, cohérent et conforme aux règles du marché
Conclusion
L’amélioration de l’efficacité énergétique globale est un objectif important. Comme dit le proverbe «L’énergie la moins polluante et la moins chère est celle que l’on ne consomme pas». Mais comment y parvenir ? Les certificats blancs et le système de bonus-malus sont de mauvaises solutions. Seul le « marché de l’efficacité » est réellement efficace et convaincant, même s’il doit être soutenu par la Confédération pendant une première phase.