Le «système incitatif en matière climatique et énergétique» et ses nombreuses incohérences

A partir de 2021, le Conseil fédéral veut passer du système actuel d’encouragement à un réel système d’incitation. Cette seconde étape se fonde sur un nouvel article constitutionnel.
Le message relatif à un système incitatif en matière climatique et énergétique (SICE) a été adopté à fin octobre. De nombreuses questions et incohérences restent toutefois en suspens et doivent être concrétisées par le Parlement lors du processus législatif.

Lors de la procédure de consultation sur le SICE menée au deuxième trimestre 2015, le passage du système d’encouragement au système d’incitation a été accepté sur le fond par les cantons, les partis, les associations professionnelles et les groupements d’intérêt.

La disposition constitutionnelle autorise la Confédération à prélever une taxe sur les combustibles et les carburants et une autre sur l’électricité pour encourager une utilisation économe et rationnelle de l’énergie. Contrairement aux mesures d’encouragement et de régulation du marché telles que la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC), la taxe incitative prévue dans le système incitatif en matière climatique et énergétique (SICE) est un instrument conforme au marché. Il n’y a pas non plus de risque d’encourager des technologies inefficaces comme dans le cas de la RPC.

Les taxes doivent être déterminées de façon à fournir une contribution essentielle à l’atteinte des objectifs climatiques et énergétiques de la Confédération. Pour cela, il doit être tenu compte des entreprises dont l’exploitation ou la production implique une très forte intensité énergétique ou d’émission de gaz à effet de serre. De plus, le produit des taxes incitatives doit être redistribué à la population et aux entreprises, afin que la charge financière des ménages et des entreprises n’augmente pas dans l’ensemble.

La disposition constitutionnelle relativement succincte laisse au législateur la liberté de développer le SICE. Le Parlement devra donc par exemple déterminer le montant des taxes ou la clé de répartition pour la redistribution aux entreprises et aux ménages et le montant des taxes.

De nombreuses incohérences

La disposition transitoire et le rapport explicatif dans le message prêtent à la critique. La disposition transitoire indique notamment que l’actuel système d’encouragement inefficace ne doit être que progressivement remplacé par la mise en oeuvre du SICE. La RPC, qui coûte des milliards, doit continuer de fonctionner en parallèle pendant 10 ans après l’introduction du SICE. Et ce n’est pas tout : les engagements pris durant le délai transitoire ne doivent expirer que 25 ans après l’introduction du SICE. Le système d’encouragement dans le domaine de l’électricité est ainsi mis en place pour des décennies au lieu d’être rapidement remplacé, ce qui prouve l’absurdité de l’élaboration du SICE envisagée sans effet sur la quote-part fiscale.

Le rapport explicatif présente également de nombreuses incohérences. Concernant le montant des taxes, le Département des finances propose pour la période jusqu’à 2030 plusieurs variantes, qui régulent la consommation d’énergie avec une intensité variable. Pour l’électricité, les suppléments atteignent de 2,3 à 4,5 FRE – Fédération romande pour l’énergie 2 centimes par kilowattheure. Pour le mazout et les carburants, respectivement de 25 à 89 centimes et 0 à 26 centimes par litre. Selon le Département des finances, ces variantes ne couvrent toutefois que 18 à 71 % des objectifs énergétiques de la nouvelle politique énergétique de la Confédération (voir tableau en dernière page). Les objectifs pourraient également être atteints grâce à d’autres mesures qui ne sont cependant pas détaillées.

Une seconde étape encore bien floue

La seconde étape de la Stratégie énergétique 2050 est également divisée en deux phases. Mais aucune information n’a été donnée pour la période de 2030 à 2050. Cela peut s’expliquer par le fait qu’au-delà de 2030, aucun pronostic valable ne peut être envisagé. Cela n’a pourtant pas empêché le Conseil fédéral d’élaborer sa nouvelle politique énergétique à l’horizon 2050. On est en droit de penser que, par crainte d’un rejet de la Stratégie énergétique 2050, le Conseil fédéral continue de jouer à cache-cache sur sa mise en oeuvre et ses effets, spécialement sur les entreprises et les ménages en termes de coût et de baisse de niveau de vie.

A cela s’ajoute le fait qu’en 2030, la totalité de l’effet incitatif pour l’électricité devra déjà jouer à plein. Le Conseil fédéral préconise pourtant une variante sans taxe sur les carburants pour la première phase. Dès lors, les objectifs climatiques de l’article constitutionnel ne pourront pas être atteints. La production d’électricité suisse étant pratiquement dépourvue d’émissions de gaz à effet de serre, la seule solution pour les réduire serait d’introduire une taxe climatique incluant les carburants – le transport étant proportionnellement le plus gros émetteur de gaz à effet de serre.

Si le Conseil fédéral souhaite réellement atteindre les objectifs de sa nouvelle politique énergétique, il n’aura d’autre choix que d’appliquer des taxes incitatives bien plus élevées que celles qu’il propose aujourd’hui. Si tel était le cas, on pourrait s’attendre, selon Ecoplan, dans son rapport sur la Stratégie énergétique 2050, à des « pertes sensibles » sur le plan du produit intérieur brut ainsi qu’à des « pertes de prospérité perceptibles ».

D’autre part, il est évident que même si la Suisse renonce complètement à l’utilisation d’agents énergétiques fossiles et réduit la consommation d’énergie, cela n’aura aucun effet sur le climat d’un point de vue global. Elle ne peut se permettre de faire cavalier seul au risque de voir sa prospérité mise à mal et doit en conséquence adapter sa politique énergétique et climatique aux standards internationaux actuels.

En conclusion, le système incitatif qui devrait entrer en vigueur dès 2021 mérite encore d’être précisé et corrigé. Au stade actuel, le projet peu transparent comprend de plus quelques incohérences.

Exemples de mise en œuvre

Exemples de mise en oeuvre

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